La vie en Oubangui Chari (actuelle République Centrafricaine) avant la colonisation française. (Troisième partie)..

9 février 2019

La vie en Oubangui Chari (actuelle République Centrafricaine) avant la colonisation française. (Troisième partie)..

– Et sur le plan technologique, Coco Joël?

– Au plan technologique, les générations qui ont précédé la traite négrière et la colonisation avaient développé des techniques adaptées à leurs besoins. Les ancêtres fabriquaient divers objets en bois, en argile et en fer pour des usages dans différents domaines. Ils ont conçu plusieurs sortes de briquets pour obtenir du feu. Le plus employé est le « Tawoye » composé d’une pierre, le silex, d’une petite masse en fer, le burin, d’une petite quantité de fibres très inflammables extraites du fruit du kapokier. La matière inflammable est maintenue solidaire du silex. En frappant le silex au moyen du burin de façon à provoquer un frottement, des étincelles jaillissent et embrasent instantanément le coton prêt à s’enflammer au moindre contact avec un courant d’air. Le feu sert à cuire les aliments, à se réchauffer, à faire la chasse, à pratiquer l’agriculture sur brûlis, à extraire le fer au moyen des hauts fourneaux, à fabriquer des outils en fer. Ils construisaient des habitations aérées et bien ventilées, adaptées au climat, en matériaux locaux.

– Qu’en était-il de la situation de nos ancêtres sur le plan économique, grand-père?

– Sur le plan économique, la monnaie consistait en des barres de fer d’une longueur d’environ vingt centimètres, sur environ un centimètre de largeur et quelques millimètres d’épaisseur appelées « Mbara ». L’unité monétaire était la barre de fer ou le Mbara. A titre d’exemple chez les M’Boum dans l’Ouham-Pendé, une botte ou une palette de lézards fumés coûtait un ou deux Mbaras. La dot d’une femme était évaluée entre trois et cinq bottes de cent Mbaras. Les Mbaras ou barres de fer ainsi accumulées servaient à fabriquer des armes de guerre, de chasse, de pêche et des outils agricoles. Le plus souvent on pratiquait le troc ou échanges des produits en nature. Les besoins n’étaient pas grands et étaient comblés.
– Et sur le plan social ?

– Au plan social les ancêtres menaient une vie simple, se réjouissaient ensemble à l’occasion des multiples festivités, compatissaient aux malheurs des uns et des autres, se contentaient de leurs humbles conditions et étaient plus heureux que nous aujourd’hui. La gouvernance était basée sur la chefferie traditionnelle avec de puissants chefs de clans et chefs de tribus qui garantissaient la paix, la sécurité et la stabilité. Ces chefs imposaient le respect des valeurs morales ancestrales, de la hiérarchie généalogique et veillaient à leur pérennité. Les sociétés traditionnelles assuraient une éducation adaptée, basée sur le courage, l’honneur, la solidarité, la bravoure, le travail et la défense des intérêts de la communauté.

Les enfants, tant les garçons que les filles, apprenaient très tôt l’endurance à travers les rudes métiers de leurs parents à la fois cultivateurs, chasseurs, pêcheurs et guerriers. A l’âge majeur ils étaient en mesure de se débrouiller seuls et entraient automatiquement dans la vie active. Avant cela, les garçons comme les filles devaient suivre séparément des stages d’initiation à la vie d’Homme et de Femme où ils apprenaient à être des adultes accomplis.

Les maux modernes de la société tels que le chômage, l’exode rural, la délinquance juvénile, la prostitution, est-il besoin de le dire encore, sont inconnus des sociétés traditionnelles. La valeur d’un homme se mesure à ses exploits guerriers contre les ennemis de sa communauté, au nombre de bêtes féroces tuées, aux superficies de ses champs, à la taille de sa famille, à la taille et au nombre de ses greniers.

Il n’y avait pas de place pour les traîtres et les lâches. Un étranger qui touche à un de ses membres défie la communauté toute entière et la réplique communautaire suit automatiquement. Un homme n’abandonne pas son frère en difficultés, aux prises avec une bête féroce ou entre les mains d’ennemis. Il doit combattre et mourir avec lui et non pas rentrer seul au village si ce n’est pour chercher du renfort et passer à la contre-offensive. La Communauté n’abandonne jamais un de ses membres en captivité quel que soit la raison. Elle privilégie les règlements à l’amiable, les négociations diplomatiques. En cas d’échec la guerre de libération s’impose.

Les femmes ne restent pas passives dans ce processus. Leurs lamentations, leurs pleurs excitent les hommes. Leurs chansons sont des messages d’encouragement adressés aux hommes, pour les pousser à mener des actions concrètes de libération ou de revanche. Les paroles touchantes des chansons composées pour la circonstance galvanisent les hommes et les déterminent à la victoire, coûte que coûte, sachant que les femmes, encore elles, s’attendent à un retour triomphal de leurs hommes partis en guerre.

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