La vie en Oubangui-Chari (actuelle République Centrafricaine) avant la colonisation française. (Dernière partie)

15 février 2019

La vie en Oubangui-Chari (actuelle République Centrafricaine) avant la colonisation française. (Dernière partie)

– Coco Joël, dites-nous, comment les ancêtres se soignaient-ils, ne disposant pas de structures de santé telles qu’il en existe aujourd’hui.

– Sur le plan de la santé, on ignorait l’existence des microbes et donc aucune précaution visant à les éviter n’était préconisée. Cependant les maladies infectieuses étaient rares. A cause de leurs activités de chasse, de pêche, de cueillette, champêtres et guerrières, les populations étaient exposées aux blessures, aux morsures de serpents, aux piqûres des insectes, et ont développé des techniques efficaces en chirurgie traditionnelle et en traitements antivenimeux. Les grandes blessures et les fractures étaient guéries presque instantanément. Les pansements étaient faits avec des potions ou des poudres végétales. Les bandes et les compresses consistaient en des écorces de certaines espèces arbustives aux propriétés curatives et cicatrisantes. Les médicaments anti venimeux étaient également très répandus. Plusieurs plantes aux propriétés antiparasitaires étaient utilisées pour des déparasitages intestinaux et externes.

La pharmacopée traditionnelle était très développée et on trouvait de remèdes à presque toutes les maladies connues de l’époque. Les guérisseurs traditionnels spécialisés dans presque tous les grands domaines de la santé publique étaient très nombreux. La richesse et la diversité biologique de l’écosystème étaient maximales. La nature offrait des remèdes à tous les maux physiques de l’homme. Les ancêtres avaient une connaissance pratique de la botanique et tiraient profit des vertus de chaque espèce végétale existant sur leur territoire.

Ils observaient les comportements de certains animaux comme les rongeurs en particulier, pour s’instruire en matière de pharmacopée. Par exemple : « des chasseurs observaient les luttes entre serpents et mangoustes pour connaître les espèces végétales dont les mangoustes utilisaient les racines aux vertus anti venimeuses, pour résister aux morsures des serpents et venir à bout de ces derniers » .

Le taux de mortalité était bas. On croyait que la mort naturelle ne devrait survenir qu’avec la vieillesse et que tout décès précoce était causé par des sorciers dotés de pouvoirs surnaturels. Avant la levée du corps d’un enfant, d’un homme ou d’une femme valides, un tribunal siège au cours duquel on incrimine certaines personnes supposées être les auteurs de cette mort tragique. Ensuite ces personnes accusées étaient soumises à une épreuve de culpabilité en buvant debout, publiquement, un breuvage, un puissant vomitif préparé à base de jus d’écorce d’un certain arbre réputé anti-sorcier. Les coupables tombaient raides morts, avant d’ingurgiter toute la quantité prescrite de la potion, tandis que les innocents vomissaient immédiatement tout le produit absorbé et survivaient. Ces derniers étaient applaudis par la foule, accueillis avec joie par les membres de leur famille qui poussaient des cris de joie, entonnaient des chants de victoire, pour cette disculpation publique irrévocable qui met à l’abri, pour longtemps, leur lignée de toutes allégations de ce genre.

– Que répondriez-vous, Coco Joël, à ceux qui prenaient nos ancêtres pour des singes ou macaques ?

– Quel singe, même domestiqué et dressé, fabrique des outils, pratique l’agriculture et l’élevage, allume le feu, cuit ses aliments, construit son habitat parle et raisonne ? répondit-il en souriant. Quelques-uns des caractères qui distinguent les homo-sapiens des animaux inférieurs est que l’homme est en mesure de reconnaitre ses erreurs, de s’en excuser, de se corriger, d’apprendre et de se perfectionner. Sont moins hommes ceux qui ne manifestent pas ces caractères et persistent à croire à des théories complètement fausses qui prétendent que nos ancêtres étaient des singes qui vivaient dans les arbres, malgré d’innombrables preuves du contraire.

– Grand-père, à supposer que les blancs ne fussent pas venus découvrir nos ancêtres et donner une autre orientation à leur vie, Comment serions-nous aujourd’hui ?

– La traite négrière et la colonisation étaient instituées pour servir uniquement les intérêts des blancs. Elles ont détruit tous les acquis des sociétés traditionnelles et les ont déstabilisées, dépeuplées et désorientées. Les sociétés traditionnelles étaient précipitées à un plus bas niveau de vie par les pratiques tant esclavagistes que colonialistes et avaient subi de grandes pertes, d’insupportables et indescriptibles souffrances physiques, morales et affectives.

Si les blancs n’étaient pas venus les coloniser, elles seraient au moins épargnées de ces souffrances et humiliations inutiles et aux conséquences néfastes à court, moyen et long termes. Elles étaient bien organisées et disposées à connaître des progrès lents, mais sûrs. Qui sait, s’il pourrait se produire tôt ou tard un autre déclic, celui-là positif, qui les aurait propulsés en avant vers une autre forme de civilisation propre et meilleure ?

– Vous êtes formidable, Grand-père. La prochaine fois nous prendrons nos dispositions pour rester plus longtemps auprès de vous pour apprendre davantage. Pour le moment le temps fait défaut. Au revoir grand-père.

– Au revoir mes petits fils. Que Dieu vous protège au cours du voyage retour et vous ramène sains et saufs dans vos foyers respectifs. Saluez-moi mes arrières petits fils et vos épouses.

Ces récits ont émerveillé Yams qui est un enfant de la diaspora né et grandi en ville. Quant à moi, c’est un rappel, une révision, car j’en avais écouté maintes et maintes fois durant l’enfance passée au village.

De tout ce qui précède, on peut retenir que les sociétés traditionnelles menaient une vie simple et heureuse en harmonie avec leur environnement. Elles avaient fabriqué des outils et étaient à un niveau de connaissances techniques et technologiques permettant de satisfaire leurs besoins essentiels, notamment de santé, d’alimentation et de protection. Ils avaient également mis sur pied une organisation sociale favorisant l’éducation, la formation et l’intégration automatique de tous les jeunes à la vie active. Les notions telles que : chômage, délinquance juvénile, exode rural, diaspora étaient inconnues.

Le bonheur étant relatif et dépendant en grande partie, du niveau de satisfaction des besoins ressentis, on peut dire que les sociétés traditionnelles qui satisfont leur peu de besoin à un niveau maximum, goûte à plus de bonheur que nous aujourd’hui qui avons des besoins illimités et insatisfaits. Aussi il se dégage des récits par la tradition orale, et Coco Joël a confirmé, que les sociétés traditionnelles étaient dynamiques et prédisposées à des progrès lents, mais certains.

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