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Origine et causes du développement différentiel Nord-Sud. (Première partie)

(A l’attention du lecteur : Ce thème est développé en plusieurs séquences. Ne manquez pas une partie pour bien comprendre des choses importantes qu’on rencontre rarement.)

Un proverbe africain dit : « Si tu te perds et ne sais plus où tu vas, arrête-toi pour chercher à savoir d’où tu es venu ».

L’humanité a perdu ses repères. Tout au long de l’histoire cette grande question est restée posée: « d’où venons-nous ? ». C’est une question fondamentale qui vise à connaître l’origine de l’homme. Dans les temps anciens les gens avaient peu de préoccupations et avaient le temps de se poser des questions difficiles ainsi que d’engager des débats philosophiques autour des sujets métaphysiques. Aujourd’hui les occupations et les distractions sont nombreuses et prennent tout notre temps. Cependant quand il arrive une situation chaotique et désespérée, « la traversée du désert », Nous devenons tous philosophes et penseurs.

Les Centrafricains dans leur misère se posent tout naturellement et à raison ces questions : « Pourquoi sont-ils toujours les derniers de la planète sur le plan du développement humain» ? Sont-ils, réellement comme aimaient répéter leurs anciens colonisateurs pour les insulter, des descendants de singes, les « macaques », ou bien sont-ils plutôt, comme prétendent encore ces mêmes personnes, « des maudits fils de Caïn » ?

Il ne serait pas superflu de s’intéresser aujourd’hui à ce genre de questions qui reviennent toujours en temps difficiles. Des réponses satisfaisantes projetteraient quelques rayons de lumière et permettraient de mieux voir comment et pourquoi les centrafricains se trouvent dans leur situation malheureuse actuelle. Cela est impérieux car beaucoup d’anathèmes jetés sur les Centrafricains et sur les Noirs en général, font peser sur eux un complexe d’infériorité et une attitude défaitiste en face de l’avance vertigineuse des sciences et des technologies occidentales.

Lorsqu’au 19ème siècle de notre ère, le blanc et le noir se sont rencontrés en Oubangui-Chari (actuellement la République Centrafricaine) pour la première fois, le Blanc avait une avance technologique considérable sur le Noir. Le Blanc a utilisé abusivement cet avantage pour asservir le Noir. Aujourd’hui, le décalage est encore plus grand, voir irrattrapable. Cet état de chose soulève un certain nombre de questions : Pourquoi la race noire est-elle en retard de développement par rapport à la race blanche ? Les Noirs sont-ils des descendants des singes comme le soutiennent encore certains chercheurs évolutionnistes?
(Les réponses à lire à la prochaine séquence).


L’innocence : une bombe à retardement

Les enfants de Boy rabbe jouent dans les rues du quartier avec leurs kalashnikovs en bois_0

Enfant, j’avais très peur de me battre et j’évitais, autant que faire se peut, la bagarre. Provoqué à l’excès, j’évitais l’affrontement, car dans mon état normal je m’estimais toujours plus faible que des adversaires même plus petits que moi. Lorsque les provocations injustes persistaient et devenaient insupportables, la colère me montait soudainement au nez, me serra la gorge, me fit sortir hors de moi et m’investit d’une puissance qui dépasse la force normale. Alors je fonçai sur mes provocateurs persistants et les mis hors d’état de nuire en un instant, sans savoir comment cela s’était produit et d’où la force m’était venue.
Certaines personnes partagent avec moi ce caractère et ont fait la même expérience. Ce phénomène que j’avais vécu à plusieurs reprises pendant l’enfance me sert aujourd’hui pour comprendre des faits similaires et extraordinaires qui se produisent sur une plus grande échelle autour de moi, en République centrafricaine, au cours de ces dernières années. Il s’agit de deux antagonismes :
– Les Zaraguina (Mot d’origine arabe emprunté par les langues locales de la République centrafricaine pour désigner les coupeurs de route ou bandits de grand chemin) face aux antizaraguina ou groupes d’autodéfense villageoise contre les attaques des Zaraguina.
– Les Seleka (Mot en langue nationale qui signifie mariage ou alliance. Il désigne la coalition des rebellions armées qui a renversé le pouvoir du président François Bozizé le 24 mars 2013) face aux anti-balaka (forme contractée de Anti-balle AK ou combattants invulnérables aux balles des fusils de l’ennemi, avec des méthodes traditionnelles symbolisées par la machette).

Les Zaraguina contre les antizaraguina :

Au cours des décennies 1980 à 2010 des bandits armés appelés localement Zaraguina avaient sévi et semé une grande terreur dans les campagnes de la République centrafricaine. Le phénomène zaraguina a fait son apparition dans ce pays vers le milieu de la décennie 1980. Il s’était intensifié d’année en année pour atteindre son paroxysme au cours des années 2002 à 2009, sous le régime du président Bozizé qui a ouvert la porte aux mercenaires tchadiens.
Le régime du président Patassé avait mené une lutte sans merci contre les coupeurs de route et a maintenu le phénomène à un niveau relativement bas. Après lui il y a eu recrudescence sans que personne ne vienne au secours des villageois sans défense. On croyait le sort des populations rurales scellé et qu’elles étaient ainsi vouées à l’extermination par les Zaraguina.
Alors les provocations injustices et gratuites accumulées pendant des années par ces « laissés pour compte » firent monter leur colère, les firent sortir hors d’eux-mêmes et les investirent d’une puissance qui inversa le rapport des forces. En représailles avec seulement des armes blanches et des armes de chasse de fabrication locale associées aux méthodes ancestrales de guerre, les villageois avaient anéanti tous les bandits armés et les avaient boutés hors de leur territoire. La grande base des coupeurs de route installée à Bilakéré dans la Préfecture de l’Ouham-Pendé a été détruite en un rien de temps en 2009.

Les armes lourdes, les Kalachnikov, les roquettes, les pistolets mitrailleurs, les chapelets de gris-gris et de minutions qui s’entrecroisaient et s’entremêlaient autour des cous, des bras, des ceintures et le long du buste de ces bandits de grand chemin ne leur servaient à rien devant les villageois débordés de colère et déchaînés, armés seulement de machettes, de gourdins, de flèches et de fusils de chasse de fabrication artisanale. Seules les jambes rapides de certains de ces malfrats leur avaient permis de s’échapper. Nombreux sont ceux qui avaient été massacrés. C’est alors qu’on saura à la grande surprise des populations que certains coupeurs de routes ou les commanditaires étaient des voisins de la même cité, du même village, oui de commerçants musulmans déguisés, des propriétaires de boutiques.

Seleka face aux anti-balaka :

Après cette vaste opération de neutralisation des coupeurs de route ou Zaraguina par les groupes d’autodéfense villageoises ou anti-Zaraguina, a suivi une période d’accalmie de trois ans environ, de 2009 à 2011, au cours de laquelle il n’a pas été enregistré de détonation d’arme de coupeurs de route dans les campagnes paisibles de l’Ouham-Pendé et de l’Ouham, notamment. Les populations avaient alors enterré leur « hache de guerre », s’étaient remises au travail et vaquaient paisiblement à leurs occupations champêtres, d’extraction d’or, de petit commerce, de transport en motos et de collecte des produits agricoles. Les plaies commençaient à se cicatriser et on tendait à tourner cette page sombre de l’histoire.

Puis, des échos de bruits de bottes parvenaient des localités lointaines du pays. Ces bruits étaient causés par les hommes du rebelle ougandais Joseph Kony qui occupaient une partie du Congo démocratique, du Soudan et l’extrême Nord-Est de la République centrafricaine. Il y avait aussi diverses rébellions centrafricaines qui avaient infesté le Nord et le Nord-Est. Ces rébellions s’étaient ensuite coalisées pour faire un front unique. La coalition avait pris la dénomination de Seleka.
Les populations du Nord-Ouest centrafricain se disaient que cette nouvelle rébellion était très éloignée d’eux. Elles sont très à l’écart du chemin qu’emprunteraient les rebelles pour atteindre Bangui, afin de renverser le régime et prendre le pouvoir par la force. Elles ne s’inquiétaient pas pour des éventuels dégâts collatéraux.
Très rapidement les villes de province du Nord et du Centre sur le parcours des rebelles tombaient les unes après les autres entre leurs mains, sans résistance aucune. Malgré cela, Seleka semait la mort et la désolation, pour rien, au sein des communautés non musulmanes tout au long jusqu’à Bangui. La Seleka a pris le pouvoir sans réellement combattre. L’objectif revendiqué à cor et à cri étant atteint, le peuple en était soulagé et attendait que les victorieux réalisent leurs promesses de rétablissement rapide de la sécurité sur tout le territoire, de bonne gouvernance et de reconstruction du pays. Malheureusement la coalition montrera au grand jour et à la très grande stupéfaction du peuple centrafricain et de l’opinion internationale qu’elle a d’autres objectifs inavoués contraires.
Ainsi, comme de gros nuages noirs de criquets pèlerins qui s’abattent sur une vaste région et détruisent toute la végétation, ils avaient investi toute la République centrafricaine sans épargner la moindre parcelle du territoire. Ils avaient excellé, de façon ostentatoire, dans toutes les formes de violation des droits de l’homme, avec une intensité inqualifiable, dans le but de détruire numériquement, physiquement, économiquement et matériellement les communautés non musulmanes et de les asservir. Les populations avaient ainsi subi des massacres, des occupations forcées de leurs habitations privées, des pillages, des brimades et des traitements esclavagistes d’un bout à l’autre du pays, pendant de longs mois, et criaient sans arrêt au secours vers le pouvoir central à Bangui, sans suite, et vers la communauté internationale inerte.

Face à toutes ces provocations et exactions; des jeunes issus des communautés rurales qui avaient tout perdu (familles massacrées ainsi que biens et argent pillés, maisons et réserves de nourriture incendiées par la  Seleka, champs dévastés par les troupeaux de bœufs des éleveurs nomades tchadiens), avaient juré au nom de tous les leurs massacrés  et au nom de leurs ancêtres  de bouter toutes ces hordes de sanguinaires et leurs complices hors de la République centrafricaine.
L’excès de colère, la croyance au soutien des ancêtres décédés, doublé du sentiment d’innocence et de la légitimité de leur croisade contre leurs provocateurs pervers, confèrent aux jeunes révoltés une force qui défie tous les arsenaux de guerre de l’armée centrafricaine et de la Misca tchadienne utilisés par Seleka et les Tchadiens de la Misca, contre eux. Spontanément dans toutes les localités du pays, des groupes coalisés d’autodéfense et de lutte contre la Seleka au moyen d’armes blanches et des méthodes ancestrales de résistance aux razzias des Arabo-Berbères mercantiles, se sont constitués. Ils ont donné à leur mouvement la dénomination d’anti-balle AK couramment appelé anti-balaka.
Les anti-balaka avaient commencé par attaquer et massacrer les membres de la Seleka dans les différentes localités à travers le pays. Après ces opérations militaires éclairs, les anti -balaka retournaient à leur base en brousse avant que n’arrivent les renforts des Seleka en représailles maladroites et disproportionnées : massacres dans les communautés non musulmanes de femmes, hommes et enfants innocents, incendies des villages. Ces situations chaotiques causées par la Seleka dans les villages augmentent au maximum la colère des anti-balaka qui s’en prennent à leur tour aux communautés civiles musulmanes, créant ainsi un cycle infernal de violence : anti-balaka contre Seleka, Seleka contre les non-musulmans et anti-balaka contre les musulmans. Les anti-balaka avaient continué sans relâche à harceler les Seleka simultanément en divers lieux où se trouvaient leurs bases.

La Seleka à sa prise de pouvoir avait annoncé la fin définitive de la rébellion en Centrafrique et croyait ainsi jouir seule et pour toujours du monopole de la puissance et de la violence. Elle s’estimait infiniment supérieure et largement en mesure d’écraser toute résistance que toute entité, voire toute la population civile non musulmane pourrait tenter de lui opposer en réaction aux exactions subies. Elle se croyait tout permis, mais se trompait lourdement en sous -estimant la force invisible et invincible des populations rurales centrafricaines déchaînées. Elle ne s’attendait pas du tout à un soulèvement de grande envergure des jeunes Centrafricains révoltés, ceux-là mêmes qui étaient longtemps considérés comme des femmes, des lâches par leurs voisins tchadiens.
Quelle surprise pour les Seleka de se retrouver subitement et simultanément en face de nombreux fronts d’anti-balaka irréductibles, fermement décidés à les neutraliser et à les bouter hors de la République Centrafricaine, coûte que coûte ! Les Seleka ont beau déployer toutes leurs compétences militaires de guerriers invincibles du désert et un arsenal militaire effrayant contre les populations civiles centrafricaines non musulmanes, les anti-balaka ont continué irrésistiblement leur marche vers Bangui, la capitale, pour s’en prendre au mal par la racine.
Finalement ces jeunes ruraux ont convergé vers Bangui, parcourant à pied des distances de plus de 300 kilomètres pour la plupart, ont assiégé la capitale le 5 décembre 2013 et multiplié des attaques contre la Seleka, la Miscatchadienne et les intérêts des communautés musulmanes. Ils ont été rejoints à Bangui par les jeunes Banguissois et certains militaires de la Faca qui avaient été rejetés, pourchassés et massacrés par le nouveau régime de Bangui. De son côté la Seleka, la Misca tchadienne et la population civile musulmane, toutes détentrices d’armes de guerre, commettaient de multiples exactions sur les populations civiles non musulmanes. Ces dernières furent contraintes de quitter leur domicile pour se réfugier dans des « Ledger» (Nom de l’Hôtel 500 chambres qui a fait office de Présidence de la République et résidence du chef de l’Etat de transition, Monsieur Ndotodjia et ses proches, dès la prise de pouvoir par Seleka. Les dignitaires du régime y avaient également trouvé refuge pendant le règne sanguinaire de Seleka. Ce nom a ensuite été utilisé par les Banguissois pour désigner ironiquement les différents lieux de refuge que sont les paroisses, les monastères, les églises et les mosquées).
L’escalade de la violence avait finalement dépassé un seuil pour lequel l’inaction de la communauté internationale pourrait être considérée comme « non-assistance aux communautés en danger d’extermination ». Cette dernière, sous l’impulsion de la France, fut obligée d’intervenir pour l’interposition entre les deux camps et le désarmement des belligérants.
Le mercredi 25 décembre 2013, au cours de la bataille décisive de Gobongo, les anti-balaka avaient réussi à ébranler le tout puissant pouvoir de Seleka jusqu’à sa base, en calcinant deux véhicules de combat équipés d’armes lourdes et un char blindé de l’armée tchadienne, faisant de nombreuses victimes Seleka et tchadiennes de la Misca. C’est alors que Seleka a retrouvé la raison et s’est aperçue que le dieu de la guerre l’avait quittée depuis longtemps, pour se mettre du côté des humbles et paisibles paysans centrafricains provoqués et nargués à l’excès, les anti-balaka.
Dans les us et coutumes des sociétés traditionnelles centrafricaines, le respect du droit d’aînesse est un principe fondamental. Aussi, la terre appartient aux premiers occupants. Les nouveaux venus doivent du respect et de la reconnaissance aux autochtones qui les avaient accueillis et leur avaient cédé une parcelle de leur propre territoire pour s’installer. Conspirer contre ses bienfaiteurs pour les dominer et les écraser sur leur territoire par la force, est un insensé étalage ostentatoire d’ingratitude et une entreprise diabolique vouée d’avance à l’échec.

Aussi, le droit de la guerre dans les sociétés traditionnelles interdit de s’asseoir sur un adversaire qu’on a terrassé pour continuer à lui asséner des coups. L’adversaire ainsi vaincu et désarmé a l’obligation de reconnaître sa défaite et la supériorité du vainqueur. Alors, les deux belligérants peuvent s’accorder sur un pacte de non-agression et continuer de vivre ensemble en amis, prêts à se porter secours mutuellement en cas d’agression extérieure de l’un ou de l’autre. Malheureusement, les choses sont différentes dans l’autre camp, celui des Seleka, où la culture est de ne jamais s’avouer vaincu et de combattre jusqu’au dernier souffle du dernier combattant. Ceci complique évidemment le règlement de cette crise qui risque de durer longtemps, inutilement.
Il était inévitable que les deux parties centrafricaine et tchadienne s’affrontent et comparent leurs forces avant de se respecter et vivre ensemble en paix, vu les comportements très provocateurs, arrogants, violents et extrêmement agressifs de la communauté tchadienne en Centrafrique depuis l’année 2003. Maintenant que c’est chose faite, il serait possible, selon les traditions centrafricaines, de tourner la page de la rivalité et de continuer ensemble, dans le respect mutuel, prêt à s’unir pour combattre leur ennemi commun, chacun reconnaissant sa place et la place de l’autre dans cette société centrafricaine.


CENTRAFRIQUE : Les religions et les grandes crises de 2002-2003, 2012-2014. Première partie: l’animisme et la Chrétienté.

Les auteurs de la grande crise centrafricaine de 2012 à 2014 se justifient en fournissant, entre autres, des raisons d’ordre religieux. D’autre part, au début et tout au long de la crise la Séléka composée à plus de 90% de musulmans s’en est pris violemment aux centrafricains non musulmans uniquement. En réaction les victimes discernent une agression musulmane et s’attaquent à leur tour à cette communauté. Dans la confusion la plupart des gens y ont vu une guerre de religion. Pour comprendre cette situation il conviendrait de faire un recul dans le passé religieux de ce pays et examiner les principales religions qui sont : l’animisme, la Chrétienté et l’Islam. Dans cet article nous examinerons l’animisme et la chrétienté.

L’animisme : les ancêtres des centrafricains adoraient de nombreuses divinités. Pour cela les colonisateurs les avaient qualifiés d’animistes. Leurs croyances étaient fondées sur le dogme de l’immortalité de l’âme et le culte des ancêtres. L’auteur Birago Diop a bien résumé la croyance populaire de l’époque, qui est la même en Afrique et chez presque tous les peuples du monde, en écrivant : « les morts ne sont pas morts ». Ils sont partout dans ce qui nous entoure et sont à l’origine des malheurs et du bonheur des vivants qui doivent continuellement rechercher leur faveur.
A défaut de voir ces divinités, les adorateurs les représentaient sous forme de figurines taillées et placées dans des lieux sacrés de leur résidence que sont les forêts, les grottes, les montagnes, les arbres, les cours d’eau. Il était courant en se promenant dans la campagne de trouver des représentations des dieux, des poteaux sacrés, des marmites contenant de la nourriture offerte aux dieux. Dans ce cas il faut passer outre, jeter le regard ailleurs pour ne pas s’attirer la colère des dieux et des malheurs.
L’animisme a été ensuite combattu par la chrétienté. Il est aujourd’hui réduit à seulement quelques îlots de pratiquants irréductibles représentant environ 5% de la population.

La Chrétienté : Les religions étrangères s’étaient rapidement répandues, notamment le catholicisme et le protestantisme, qui s’étaient imposées aux oubanguiens comme étant les seules vraies façons d’adorer Dieu. Ces branches religieuses de la colonisation, précédaient les administrateurs coloniaux et préparaient les populations à être pacifiques, dociles, à accepter la domination française et à « être soumises à leurs maîtres ». Ce faisant, « leurs récompenses seraient grandes dans les cieux », leur avait-on souvent rabâché.

Les prêtres catholiques étaient les premiers religieux de la chrétienté à fouler le territoire de l’Oubangui Chari en avril 1894 , d‘abord comme aumôniers militaires dans l’armée française, puis comme chefs religieux.
Les missionnaires américains protestants de l’église évangélique des frères n’étaient arrivés que plus tard en 1921 aider la France à la pacification des régions encore hostiles à sa domination : Il s’agissait pour la France de trouver une solution à la dernière résistance á la pénétration coloniale dans l’Ouham Pendé ,

Le catholicisme avait précédé l’administration coloniale et les commerçants européens et prodiguait des conseils flatteurs afin d’extirper l’esprit de révolte des noirs. Les prêtres étaient des agents de renseignements à travers la pratique religieuse appelée « confession des péchés ». C’était un outil au service des colons pour obtenir des renseignements sûrs . Les missionnaires américains de l’Eglise Evangélique des Frères et les prêtres catholiques ont convaincu une bonne partie de la population autochtone à rejeter et à détruire leurs idoles, fétiches et pouvoirs guerriers surnaturels, afin d’avoir l’approbation et la protection toute puissante du « vrai » Dieu. Les musiques traditionnelles étaient remplacées par les cantiques religieux de la chrétienté. Certaines fêtes et manifestations joyeuses traditionnelles ont disparu au profit des fêtes dites chrétiennes. Des prénoms tels que André, Pierre, Jean étaient ajoutés aux noms des chrétiens indigènes nouvellement convertis.

D’autres formations religieuses à connotation chrétienne ont ensuite afflué en grand nombre après la colonisation. La chrétienté dans son ensemble représenterait environ 80% de la population totale du pays.

L’islam serait apparu sur le territoire de la République Centrafricaine vers le 17ème siècle de notre ère. D’après l’histoire par la tradition orale, des musulmans Foulatah, Haoussa, arabo-berbères, Bornou en provenance du Cameroun, du Nigeria et au-delà, faisaient fréquemment des razzias, lançaient des attaques contre des villages du Nord-Ouest centrafricains pour piller, capturer des esclaves, emporter femmes et enfants qu’ils adoptaient, épousaient, réduisaient à l’esclavage et convertissaient à l’islam.
Dans le même temps au Nord-Est, un puissant guerrier musulman du nom de Rabah, en provenance du Soudan, à la tête d’une troupe de nombreux guerriers musulmans, multi ethniques, armés jusqu’aux dents et montés sur des chevaux lançaient des incursions militaires contre des villages et les occupaient. Arrivée à N’délé le chef ayant fui devant la progression de sa troupe, Rabah n’aurait trouvé dans le village qu’un commerçant musulman ambulant du nom de Sinossi, venu de la Région de Baguirmi au Tchad et l’aurait investi sultan de N’délé. D’autres sources rapportent que Sinossi serait le neveu de Rabah. Ce dernier lui aurait remis une forte somme d’argent, une importante quantité d’armes et des hommes pour l’aider à asseoir son règne et islamiser les autochtones du nord-est centrafricain.

L’histoire moderne des musulmans en Centrafrique remonte à l’époque coloniale. Originaires de plusieurs pays ils se sont installés progressivement en République Centrafricaine depuis plusieurs décennies. Des éleveurs Peul de confession musulmane étaient arrivés en République Centrafricaine et précisément dans la sous-préfecture de Bocaranga en 1921. Ils y avaient introduit l’élevage de bovins. Les éleveurs Peul ont été rejoints plus tard par les éleveurs arabes nomades transhumants tchadiens et soudanais qui pratiquaient également le gros élevage. Les bonnes conditions d’élevage, la faible densité de la population, et la bonne politique d’accueil des éleveurs migrants, transhumants et nomades ont favorisé le développement rapide de l’élevage du gros bétail en RCA.
Parallèlement des musulmans originaires de divers pays et exerçant le commerce, avaient afflué progressivement vers la République Centrafricaine. Ces dernières années ils y avaient afflué plus massivement, les portes leur étant grandement ouvertes, car le pays était un terrain favorable à leurs activités préférées de commerce, d’élevage, d’exploitation et de trafic de pierres précieuses.

Dans les années 60 les musulmans étaient peu nombreux, basés en ville, mais très actifs en milieu rural où ils pratiquaient le commerce ambulant derrière les équipes d’achat de coton, de village en village. Les plus fortunés transportaient leurs marchandises sur des bicyclettes : des étoffes pour femmes étaient installées sur le guidon jusqu’à une hauteur qui laisse à peine la possibilité au cycliste de regarder devant lui. Des vêtements usagés et divers articles sont emballés et attachées sur le porte bagage arrière faisant un chargement qui dépasse la tête du cycliste.

A leur arrivée progressive en Centrafrique, ils étaient très pauvres, totalement démunis. Ils transportaient sur leur tête le peu de marchandises dont ils disposaient et se déplaçaient à pied de village en village. D’autres exerçaient le métier de marabout et proposaient des remèdes à toutes sortes de maladies et d’énigmes. Ils sont sollicités pour la guérison des malades ou pour connaître les causes cachées de certains problèmes sociaux qui se posaient aux individus et aux communautés, ainsi que pour jeter ou enlever le mauvais sort.
Jusqu’à un passé récent les musulmans refusaient d’inscrire leurs enfants à l’école française. Même sous la pression des autorités locales, compte tenu du caractère obligatoire de la scolarisation des enfants, rares étaient les parents musulmans qui laissaient leurs enfants franchir le cap du primaire pour entrer au secondaire. Ils privilégiaient l’école coranique et initiaient leurs enfants au commerce.

Ils se distinguaient très nettement de la population autochtone par leur façon de s’habiller toujours en longue robe blanche appelée Djélabia, en arabe et leur manière de se coiffer en chéchia blanc. Ils sont également caractériser par le port obligatoire de couteaux attachés au coude et à la ceinture, armes blanches qu’ils n’hésitaient pas à en faire usage aux moindres désaccords. Ils portaient des chapelets de gris-gris au bras et à la hanche.

Les centrafricains de cette époque étaient des taquins et des moqueurs. Ils avaient l’habitude de sous-estimer, d’éprouver et de brimer les nouveaux venus dans leurs communautés. Par exemple un villageois en ville ou un élève muté dans un nouvel établissement scolaire doit endurer les railleries et les brimades des vétérans de cet établissement. C’est selon cette tradition que des surnoms étaient attribués sarcastiquement aux musulmans : « arabo » et « grand boubou » à cause de la langue arabe que la plupart parlaient et de leur habillement invariablement en robe longue, «Djélabia ». Il suffit d’être persévérant pour faire ce premier pas difficile en peu de temps et s’intégrer au milieu. Certains ne supportaient pas ces traitements et n’hésitaient pas à poursuivre les moqueurs, généralement des enfants, le couteau dégainé et brandi, prêt à un usage certain s’ils parvenaient à rattraper les fuyards. Pour cela on assimilait les musulmans à la criminalité facile et l’on s’en méfiait. Bon nombre de musulmans avaient surmonté cette épreuve et étaient devenus des chefs de villages, des maires de communes et de grands commerçants importateurs et exportateurs très respectés de la place. La communauté musulmane représente environ 10% de la population totale du pays.

D’autres groupes religieux : A côté de ces deux grandes tendances religieuses, la Chrétienté et l’Islam, il existe d’autres groupes religieux tels que les Témoins de Jéhovah, la Foie Bahaïe, le Vaudou, etc., qui représentent dans leur ensemble 5% de la population totale.

Jusqu’à la crise de 2002-2003 il n’a pas été noté de problème inter communautés religieuses en Centrafrique. Sauf les Témoins de Jéhovah, qui à leur début, étaient victimes de préjugés et de persécutions religieuses de la part de la majeure partie de la population. Le gouvernement a même interdit deux fois de suite leurs activités. Depuis bien longtemps, les choses sont entrées dans l’ordre et toute la population jouit d’une liberté de religion de sorte que les différentes communautés vivaient ensemble en harmonie.

Après le coup d’Etat du 15 Mars 2003, avec l’aide de combattants Tchadiens et Soudanais, « les Arabo » ont commencé à se démarquer «des Congo ». En effet jusqu’alors, les musulmans étaient appelés « les Arabo » et les non musulmans étaient appelés « les Congo ». Les notions : « Chrétiens » et « musulmans » étaient inconnues de la majeure partie des Centrafricains. La division du peuple centrafricain en deux groupes religieux opposés « Chrétiens » et « musulmans » est clairement apparue très récemment avec l’aventure des Séléka. Cette innovation sélékiste ne reflète pas la réalité centrafricaine. C’est un produit étranger qui provient de la dangereuse rivalité internationale entre l’Islam et la Chrétienté assimilée à la civilisation occidentale. Des Centrafricains aveuglés par le profit et manipulés de l’extérieur, ont importé dangereusement ce gros problème dans leur pays déjà vulnérable et aux prises avec de nombreuses difficultés.


CENTRAFRIQUE : L’expatriation et ses conséquences

L’exode rural et l’expatriation, sans perspectives de retour, constituent des forces d’inerties opposées au développement. Avant la colonisation la population était plus dense. Les villages étaient plus nombreux. Les populations étaient disséminées en petits groupes tribaux dans la nature. Les sociétés traditionnelles avaient mis sur pied une organisation sociale favorisant l’éducation, la formation et l’intégration automatique de tous les jeunes à la vie active. Les notions telles que : chômage, délinquance juvénile, exode rural, diaspora étaient inconnues.

Les conquêtes esclavagistes et la colonisation avaient causé un dépeuplement du pays. Après l’indépendance et à la fin du régime de          «laissez passer», pour aller d’un endroit à un autre, l’exode rural et l’expatriation ont vidé les villages et le pays de leurs ressources humaines de valeur. Le reste de la population subit la dégradation dans le domaine de la santé et de l’éducation, et est peu qualifié pour mener efficacement des actions de développement durable de leurs localités. Le pays ainsi affecté est devenu vulnérable, sans protection et est l’objet de convoitise des étrangers qui tentent de l’arracher par la force des mains des autochtones. L’exode rural et l’expatriation sont des phénomènes naturels inévitables. Il s’agit de l’évolution lente et naturelle d’un désordre méconnu comme tel.

En effet tous les évènements du monde physique se conforment aux deux principes fondamentaux de la thermodynamique et sont déterminés par ces deux principes. La méconnaissance et la non prise en compte par les planificateurs, les économistes et les décideurs, des manifestations de ces principes aux effets visibles dans la vie quotidienne, est à l’origine des problèmes sociaux, économiques et environnementaux dont souffrent particulièrement les pays sous-développés dont la République Centrafricaine.

Le Premier principe est le principe de conservation de l’énergie  mis en évidence par les expériences d’Antoine de Lavoisier, chimiste, philosophe et économiste français : « Rien ne se perd, tout se transforme ». Selon ce principe l’énergie totale de l’univers demeure constante.

Le deuxième principe établit que l’entropie ou désordre de l’univers augmente. L’entropie est l’état désordonné de l’énergie, de la matière, incapable de fournir un travail. L’entropie ou désordre de l’univers augmente toujours suivant une évolution irréversible. Il en résulte que l’énergie totale de l’univers subit une dégradation constante vers une forme qui ne peut plus effectuer un travail. Voici trois exemples pour comprendre  ce phénomène :

  1. Le soleil diffuse continuellement de l’énergie dont une partie est interceptée par la terre. C’est d’ailleurs le premier facteur de la vie sur la terre. Le soleil, ressource de basse entropie ou ressource ordonnée, capable de jouer son premier rôle en diffusant continuellement de l’énergie, se dégrade, diminue dans le même temps, tandis qu’à l’échelle de l’univers, l’énergie diffusée n’est pas perdue, mais se trouve dans un état désordonné inutilisable comme tel, stockée dans les matières organiques et dans les combustibles fossiles (ressource de haute entropie). On estime que la vie active du soleil durera encore quelques 5 milliards d’années.
  2. L’érosion des sols : Un sol érodé ne subit aucune perte au niveau de la biosphère, mais ses éléments constitutifs se trouvent, contrairement à ce qu’on observe dans le cas d’un sol en place, dans un état de désordre, dispersés dans le réseau hydrographique, dans les retenues des barrages, au fonds des lacs, des mers et des océans. Un sol érodé dont l’entropie est devenue maximale ne peut plus être utilisé comme terre agricole (par exemple). C’est une ressource de haute entropie.
  3. L’exode rural et l’expatriation : Les villages traditionnels de la période précoloniale sont des ressources de basse entropie. Les éléments constitutifs de la population restaient en place et contribuaient tous à la pérennisation des lignées et au développement des villages. Les mutations étaient relativement rares et isolées. Le contact avec l’Occident a déclenché ou accéléré un processus d’érosion des populations. A l’échelle de l’humanité les villages ne subissent aucune perte, car les éléments de leurs populations qui les avaient quittés sont tout simplement dispersés et existent à travers le monde, mais dans un état désordonné, incapable de participer au peuplement, à la cohésion, à la vie du village, à son développement et à sa pérennisation. Le processus se poursuivant, les villages se dégradent quantitativement, qualitativement et finissent par disparaître comme groupes organisés ou ressource de basse entropie.

Fort heureusement dans certains cas, l’augmentation de l’entropie peut être inversée artificiellement. Il est possible d’y opposer des mécanismes néguentropiques. Les actions de défense et restauration des sols pratiquées en agriculture durable sont des mécanismes néguentropies qui s’opposent à l’érosion des sols.

Ces dernières années des membres de la diaspora interne se sont organisés en associations à travers le pays  pour contribuer au développement local, en y opposant des mécanismes néguentropiques. C’est le cas de l’Association dénommée « Centre d’Initiatives et d’Appui aux Actions de Développement durable (CIAADD) dont le but est d’offrir un cadre approprié permettant aux populations, tant celle de la diaspora interne et externe, que celles restées en place dans les villages, de contribuer ensemble à la survie et au développement de leurs villages, même si ces deux catégories de population sont séparées par d’énormes distances.

La responsabilité de développement d’une localité donnée incombe en premier lieu aux personnes qui en sont issues, tant la population locale que sa diaspora. C’est pour avoir manquer d’assumer cette responsabilité que les centrafricains récoltent aujourd’hui les fruits amers de leur négligence. Il faut donc agir maintenant et efficacement. Mises ensemble, bien organisées et encadrées, les populations locales et leur diaspora constituent une ressource colossale de basse entropie, capable de venir à bout des problèmes dont elles souffrent.